- Monsieur, je vous prie de m'excuser de vous adresser la parole sans que nous ayons été présentés, mais si par hasard vous disposiez d'une heure et, pardonnez ce détail, de deux billets à l'effigie de Molière, nous pourrions passer chez moi des moments tout à fait délicieux ...
Subjugué, l'homme, qui n'a jamais été accosté avec une telle classe, suit la jeune femme. Ils arrivent dans un appartement d'un goût et d'un raffinement exceptionnels.
- C'est superbe chez vous ! s'extasie-t-il. Quel est le nom du décorateur ?
- C'est moi, mais je n'ai aucun mérite: j'ai fait l'école du Louvre ...
Tandis qu'elle lui prépare un scotch, il regarde les livres dela bibliothèques, parmi lesquels figurent de nombreux ouvrages de philosophie, dont la critique de la raison pure et toute l'oeuvre de Kant.
- Qui lit cela ? demande-t-il médusé.
- Moi ! Quand je préparais mon agrégation de philo, j'étais passionnée par les théories kantiènnes...
Elle l'entraîne dans la chambre, et sur la table de nuit il aperçoit le traité de méchanique ondulatoire du professeur Leprince-Ringuet.
- Ca aussi, c'est à vous ?
- Bien sûr. Je suis entrain de le relire. Quand j'ai passé mon agrégation de physique, j'ai soutenu une thèse sur la méchanique ondulatoir...
Sur ce, elle passe à un autre genre d'ondulations et se révèle une amoureuse exceptionnelle. Un peu plus tard, elle se lève, enfile un peignoir, va vers le piano et attaque une valse de Chopin.
- Vous jouez admirablement..., dit l'homme.
- Oh vous me flattez. Quand j'ai obtenu mon premier prix de Conservatoire, je jouais plutôt bien, mais depuis j'ai perdu beaucoup de doigté...
- Je ne voudrai pa être indiscret, fait l'autre, mai j'aimerai comprendre. Si j'ai bien saisi, vous êtes diplômée de l'Ecole du Louvre, agréguée de philosophie, agréguée de physique, et premier prix de Conservatoire. Pardonnez ma question, mais... comment êtes-vous devenue une putain ?
- Un coup de chance !
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